Ultime tour de présidentielle

Publié le par Loïc

 

 

Le premier tour a livré son verdict, avec quelques enseignements :

 -la participation fut plutôt élevée (de l'ordre de 80 %, c'est pas mal, surtout si on compare à des pays comme les Etats-Unis), plus élevée que prévue par les observateurs. Les médias auraient sans doute voulu une campagne plus rythmée, avec des annonces se succédent les unes aux autres, pour faire des gros titres de dépêches, mais, au final, les Français se sont déplacés vers les urnes, non pas par enthousiasme, mais par conscience de la gravité de la situation, et envie d'utiliser la petite part de souveraineté qui leur est accordée.

 -François Hollande s'est placé devant Nicolas Sarkozy, du point de vue des résultats du premiers tour (28,5% contre 27% environ), et des intentions de vote et de report de voix pour le second tour.

 -Néanmoins, le mouvement de droitisation des esprits en France n'est pas arrêté. Et, j'aurais même tendance à dire qu'il se poursuit, ce qui doit bien faire plaisir à Patrick Buisson, le chantre de la droite maurassienne. Avec les 18% de Marine le Pen, mais aussi les 27% de Nicolas Sarkozy (vu sa campagne), la droite dure, agressive vis-à-vis de ses boucs-émissaires (immigrés, assistés, et bien sûr la gauche) représente 45 %

 -Par rapport à l'élection de 2007, c'est le centre qui a régressé, ou qui a été en partie absorbé par François Hollande. François Bayrou a fait finalement 9% : je suis heureux d'avoir contribué à limiter les dégats d'une voie quand même.

 

Pourquoi François Hollande ?

Maintenant, il est temps pour le second tour pour moi de choisir entre François Hollande et Nicolas Sarkozy.  Je choisis François Hollande, pour de nombreuses raisons.

*Lorsqu'il a commencé son chemin vers la présidentielle au début de l'année 2011, j'ai apprécié son ton. Il a choisi deux grands thèmes : la jeunesse et la fiscalité, qui me semblaient effectivement deux thèmes cruciaux, sur lesquels on peut faire le constat que la situation actuelle est mauvaise et injuste, et sur lesquels les hommes politiques ont à mon sens de vrais leviers pour agir. Nous n'en étions encore qu'au stade du thème, mais ça me semblait en tout cas bien plus intéressant que les trois lettres, que les médias avaient essentiellement à la bouche à ce moment-là : DSK. On touche là aux limites de notre système médiatique du buzz : on prefèrait à cette époque consacrer des articles, tournant en rond, sur ce que Dominique Strauss-Kahn laissait entendre de son futur départ au FMI pour la candidature à la présidentielle  plutôt que creuser un débat sur des thèmes très intéressants...

*Ensuite, une fois François Hollande désigné par les primaires comme candidat socialiste, il a commencé à préciser ses idées : si, côté jeunesse, le projet manque peut-être de souffle, côté fiscalité, j'ai jugé les propositions intéressantes, et rentrant plutôt bien dans le cadre de l'objectif d'avoir un système fiscal plus juste. Néanmoins, j'attends vraiment qu'on ne s'arrête pas au milieu du gué de la réforme fiscal, mais qu'en cinq ans, on aboutisse vraiment à un système fiscal refondu : moins conservateur du point de vue de l'équilibre entre fiscalité sur le patrimoine et fiscalité sur les revenus, avec des niches fiscales fortement réduites, et surtout avec l'objectif de faire passer l'essentiel si ce n'est tout de la fiscalité du revenu sur une base progressive et à la source, atteint. Nous verrons bien.

 *D'une manière générale, j'apprécie le projet présenté fin janvier pour sa cohérence, en opposition très nette avec la politique (bilan et projet) de coups de Nicolas Sarkozy.

 *Et puis, au-delà même des candidats, il me semble utile de ne pas brader les services publics sur l'autel du libéralisme, dont on a pu voir les dégâts que causait sa rapacité. Il s'agit bien sûr de refondre et d'enrayer la spirale de déliquescence des services publics identifiés comme les plus cruciaux : santé, justice, police, et bien sûr, l'éducation, pour construire l'avenir. Tout cela doit être fait en prenant en compte la problémétique de la dette qui est terrible.

 

      L'ambiance des jours ayant suivi le premier tour.

 

   Et, les développements des derniers jours de campagne me renforcent dans mon choix. Il est impossible d'oublier tout ce que je peux détester chez Nicolas Sarkozy, car ça me revient en pleine face en ce moment. La fameuse intox agressive. Ses supporters et lui s'en donnent à coeur joie. Les contre-vérités sont martelées avec véhémence : les idées s'imposent donc par la force, plutôt que la réflexion. Il est d'ailleurs ironique que le slogan d'un des clips de campagne de Sarkozy, soit "Réfléchis, votes Sarkozy"...Je voudrais que la campagne soit plus élevée, que "il y a trop d'immigrés", "avec le vote des étrangers, la république sera prise en otage par les communautarismes", "Si Hollande passe, on sera directement dans la situation de la Grèce et de l'Espagne"...

 

 Entendons-nous bien : je ne dis pas qu'il ne faille pas essayer de convaincre les dégoûtés de la politique ou les électeurs de Marine le Pen, qui sont d'ailleurs tous différents les uns des autres. Mais, on peut utiliser des arguments un peu plus poussés, pour essayer de rapprocher ces gens de l'idéal "Liberté, Egalité, Fraternité", tout en entendant leurs plaintes. La peur de la mondialisation est légitime : avec le volet de la résistance à l'ultralibéralisme, mais aussi avec la question identitaire. Tout le monde doit se sentir respecté, avant de favoriser le rapprochement entre tous les Français diffrents.

 

      Bref, la montée des populismes et son corollaire, la crise de la démocratie représentative, sont pour moi de vrais sujets. Nous aurons l'occasion d'en reparler, car ces questions ne sont pas derrière nous.

 

 Le débat

 

 Donc, mercredi soir était le soir du traditionnel débat de l'entre deux-tours. Unique (personnellement, cela ne m'aurait pas dérangé qu'il y en ait plusieurs, mais il aurait fallu un consensus entre les candidats, et ne pas faire du sujet du nombre de débats, un sujet d'affrontement dès le soir du premier tour), il a duré près de trois heures. Je rejoins les observateurs, pour dire que ce débat a été bon. Il a été meilleur que celui de 2007, avec des candidats qui maîtrisaient leurs sujets, et qui ne pouvaient pas se laisser aller dans une surenchères de propositions un peu farfelues, vu la lourdeur du contexte.

 Sur les questions économiques et sociales, qui a constitué une bonne moitié du débat, il y a eu des affrontements de chiffres, et l'exposition de choix politiques parfois opposés. Ce qui était sans doute le moins probant, c'est les comparaisons avec les autres pays (Grèce, Espagne, Allemagne,...), balancées par Nicolas Sarkozy, mais aussi parfois par François Hollande, comme des arguments d'autorité, plutôt que approfondis. Selon moi, il y a beaucoup de leçons à retirer de l'évolution socio-économique des différents pays qui nous entourent, à condition de mener une étude complète de ce qui les rassemble et les sépare de l'histoire de la France. Parmi les piques, impliquant les pays voisins, j'ai quand même apprécié que François Hollande jette un Berlusconi à la tête de Nicolas Sarkozy, tant ce que je perçois (avec forcément moins d'acuité que les Italiens) de Berlusconi (qui n'est enfin plus au pouvoir), est un peu de l'ordre de ce que je ressens à propos de Nicolas Sarkozy en peut-être plus négatif. Berlusconi, c'est un peu le mélange des défauts de Sarkozy, Tapie et DSK. Bon, au-delà de cette futilité, les programmes socio-économiques de Nicolas Sarkozy, comme de François Hollande, m'ont semblé bien défendus, et en tout cas défendables. Soit dit en passant, je suis beaucoup plus critique des choix économiques de Nicolas Sarkozy en début de mandat, que de ses choix, en fin de mandat, où il a été contraint par le contexte de revenir sur un certain nombre de ces cadeaux fiscaux aux riches, improductifs à mon sens, et même nuisibles pour l'équilibre du pays. Bon, maintenant, nous sommes dans l'austérité. Et, effectivement, il ne faut pas faire que ça. Il faut trouver quelques mesures pour inciter la croissance et l'investissement pour le futur. Mais, des mesures bien ciblés, représentant un coût beaucoup moins élevé que les mesures d'économie sur les dépenses ou les recettes, nécessaires à réduire la dette. La récupération de certaines recettes, par la limitation des niches fiscales, me semble incontournable. Néanmoins, je ne dirais pas, comme François Hollande, "de l'augmentation de TVA, jamais !". Peut-être qu'il faut jouer un peu sur les deux sources : CSG (qui a l'avantage d'être progressive) et TVA (qui a l'avantage d'affecter autant les produits locaux que les produits d'importation), pour récupérer des recettes, un peu comme dans le programme de François Bayrou, plus équilibré que les programmes de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Nous verrons les choix qui seront faits. Je n'approfondirais pas plus le débat socio-économique. Je noterais juste que je trouve intéressant l'idée de François Hollande, telle qu'il l'a expliqué, de faire un tarif progressif de l'énergie selon sa consommation individuelle (et non pas par foyer), même si on opposera aux arguments de papiers la réalité sur le terrain de l'injustice liée aux maisons mal isolées.

 Sur le sujet de l'immigration, la question de société préférée des journalistes, j'ai trouvé que François Hollande a su bien répondre, et bien titiller Nicolas Sarkozy sur le fait qu'annoncer des chiffres, ca fait "homme fort", mais que, sans annoncer les moyens, ce n'est pas réaliste, car l'immigration légale a un niveau d'étiage sans doute bien supérieure à la moitié du niveau actuel (90 000 par rapport à 180 000 par an, si j'ai bien suivi les chiffres), sauf à remettre en cause les textes internationaux et les attitudes (vis à vis des couples, des étudiants) les élémentaires. Nicolas Sarkozy a réussi à s'esquiver. D'une manière générale, sur ces thèmes chers à l'extrême-droite, que sont la sécurité, la lutte contre les fraudes et l'immigration, je trouve que la gauche a tout intérêt à faire preuve de pédagogie et à affirmer sa fermeté sur le respect de la loi existante, plutôt que de pousser des cries d'orfraie à chaque position musclée (mais souvent un peu irréaliste) de la droite ou de l'extrême-droite. Le contrôle de l'immigration, et la lutte contre les fraudes est une question de justice avant tout, plutôt que de chiffres faramineux, comme ceux que le Front National annonce pour la réduction du nombre d'immigrants, ou la somme que peut faire économiser aux comptes sociaux de l'état une lutte plus efficace contre la fraude. Sinon, l'idée d'une validation par une majorité qualifiée des 3/5ème du parlement, ou par une majorité des Français consultés par référendum, de la réforme de la constitution, permettant le droit de vote des étrangers aux municipales, me semble vraiment un bon point de François Hollande pour ce débat.

 

 Le sujet du nucléaire a aussi été l'occasion d'une vive opposition entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. La vision des choix énergétiques du candidat socialiste me semble plus équilibrée. Mais, la peur du nucléaire ne me hante pas au point que les choix de Nicolas Sarkozy me choquent : ils sont défendables. La chose la plus importante, c'est que l'autorité de sûreté nucléaire soit indépendante et ait des moyens. 

 

 Sur le sujet des institutions et de la conception de la présidence de la République, il y eut le grand moment de François Hollande : son énumération, avec "moi, président de la république" de tout ce qu'il entreprendra pour moraliser la fonction présidentielle. La forme n'était pas totalement naturelle, mais le fond était vraiment convaincant. Et, en creux, on retrouvait beaucoup de problèmes de la présidence de Nicolas Sarkozy, qui n'a eu comme recours que de faire appel aux turpitudes de François Mitterrand pour atténuer la charge de François Hollande. Pour ma part, la cause est entendue : François Mitterrand fut loin d'être un président irréprochable du point de vue de la morale publique, et l'ensemble des prédécesseurs de Nicolas Sarkozy n'étaient guère mieux que lui, du point de vue de la volonté de contrôler tout. Mais, si on regarde vers l'avant, il faut effectivement réformer le statut pénal du chef de l'état, qui le place trop au-dessus des lois, et tout ce qui va vers une limitation des pouvoirs de nomination des autorités censées être indépendants par le président va dans le bon sens. Concernant l'ouverture, si, sous sa présidence, elle a effectivement surtout consisté en des débauchages, Nicolas Sarkozy a sans doute raison de dire que si le PS est majoritaire, moins de gens de droite seront appelés à des postes intéressants qu'il y eut de gens de gauche dans les ciinq dernières années. Reste que, d'une manière générale, sur les institutions, j'ai une plus grande confiance en François Hollande.

 

 Pour les deux questions internationales, que David Pujadas et Laurence Ferrari avaient réservé aux candidats, il n y eut pas de clivages majeurs. Même la différence d'un an de date de retrait des troupes en Afghanistane me semble finalement assez mineure. Si on choisit fin 2013, comme Nicolas Sarkozy, on respectera mieux nos engagements, et on comptabilisera, à en juger par le rythme actuel, sans doute quelques soldats français morts en armes de plus. Même si ça n'a jamais été exprimé, je me demande si Hollande ne voit pas dans le retrait des troupes fin 2012 l'occasion de faire une petite économie de plus en début de mandat.

Le thème majeur qui n'a pas été abordé selon moi dans ce débat (choix des journalistes et des candidats) est celui des services publics. C'est pour moi un thème crucial, car c'est un sujet qui fait lien entre tous les français.  C'est également un thème délicat, car les promesses sont comptées en temps de crise. Un sujet ultra-important, comme l'éducation, n'a été abordé que par le prisme du contrôle des dépenses, et du pouvoir d'achat. Alors, qu'il aurait voulu approfondir : quel taux d'encadrement, et quelle nature d'encadrement, permet d'améliorer la qualité de notre éducation ? Comment rétablir l'égalité des chances et l'ascenseur social ? La question de la santé (et des services publics liés) a également été absent des radars. Et, je viens d'y penser : le thème du logement n'était pas non plus au menu du débat. On en avait toutefois parlé à l'émission "Des Paroles et des Actes" précédente.


Bref, si Hollande est élu, on aura un autre style que Nicolas Sarkozy : un style sans doute plus calme (et moins favorable à la caricature et au buzz). Reste maintenant à voter dimanche, et attendre les résultats à 20h, avant de se remobiliser pour les législatives.



Publié dans Politique et société

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