Quart de finales de la Coupe du monde de rugby Première moitié du tableau

Publié le par Loïc

         


           Le week-end dernier, la Coupe du Monde de rugby est rentrée dans le vif du sujet avec le début du tournoi à élimination directe. Je vais faire deux billets pour ne pas surcharger le texte, et peindre le tableau de ces quarts de finale en deux partie est tout à fait approprié.

 

            Cela a commencé par Australie – Angleterre. Ce quart de finale se présentait comme un remake de la finale de la dernière Coupe du Monde qui avait vu l’Angleterre devenir champion du monde dans les prolongations face à l’Australie chez eux. Les Wallabies semblait être dans de bonnes dispositions pour prendre leur revanche sur le XV de la Rose. Les Australiens étaient en effet sortis sans difficultés en tête de leur groupe, alors que les Anglais avaient eu toutes les peines du monde dans leur poule. Humiliés 40-0, sans donc marquer le moindre point, par l’Afrique du Sud, ils avaient été inquiétés par les Samoa, et avaient du jouer l’équivalent d’un huitième de finale contre une autre équipe du Pacifique, les Tonga. Pour le quart de finale, ils n’étaient pas favoris, mais retrouvaient leurs joueurs suspendus et blessés lors des précédents matchs. Et, la forme de leur fameux ouvreur, Johnny Wilkinson, celui qui avait marqué le drop victorieux en 2003, ne pouvait que s’améliorer. Le héros de la victoire anglaise en Coupe du Monde – j’étais en Angleterre à cette époque, et j’ai dû voir son drop à la télé presque autant de fois que nous avons vu en France les têtes de Zidane après la victoire en Coupe du Monde en 1998 - n’avait pratiquement connu que l’infirmerie durant ces dernières quatre années.

L’Angleterre ne retrouva pas seulement toutes ses individualités, mais aussi son équipe pour ce quart de finale décisif. Avec comme points forts : la défense avec notamment la mêlée face à des Australiens faibles dans ce secteur du jeu, et aussi l’intelligence de Johnny Wilkinson, quand il s’agissait soit de boucher un trou et plaquer, soit de relancer son équipe vers  le camp adverse. Si son pied était de retour, il ne rentra pourtant pas toutes ses pénalités, mais deux fois trois points lui permirent toutefois d’entrer dans l’Histoire comme le meilleur marqueur en cumulé sur toutes les Coupes du Monde. Et, le buteur australien, Stirling Mortlock, fut encore moins heureux face aux poteaux. Les Wallabies parvinrent toutefois à percer le rideau anglais et à marquer un essai. L’Australie menait 10 à 6 à la mi-temps.

Mais, au retour, les Anglais continuaient à bien jouer, à occuper le camp adverse et à malmener le pack des Wallabies. Et, assez logiquement, en échouant à un mètre de la ligne d’essai, mais en marquant deux pénalités, les Anglais reprirent la tête 12-10 sous les acclamations des supporters du stade Vélodrome. Les Australiens n’y arrivaient plus. Même le demi de mêlée Georges Gregan – l’emblématique capitaine des Wallabies, champion du monde en 1999 et futur retraité international, un joueur qui, pour moi, respire l’intelligence - qui avait jusqu’alors réalisé des placages décisifs, se rendait coupable de pertes de balles. Et, l’Australie resta à quai à Marseille. Les Anglais avaient fait la loi et se qualifiaient. C’était un match qui m’avait plutôt enthousiasmé, où l’outsider l’avait emporté. Si j’en juge mes sentiments sur les dernières pénalités (ratées des deux côtés) de Wilkinson et Mortlock, j’étais plutôt derrière les Anglais dans le final. Il y aurait au moins une équipe de l’Hémisphère Nord en demi-finale.


La France allait tenter de rejoindre l’Angleterre pour l’affronter au prochain tour, mais cela serait très difficile, car les Bleus affrontaient la Nouvelle-Zélande, plus que jamais favorite de la Coupe du Monde, après avoir passé facilement la phase de poules, établissant un nouveau record de points en poule après avoir battu une série d’équipes européennes : Italie, Portugal, Ecosse et Roumanie. Une nouvelle surprise serait peu probable…

            J’arrivais un peu en retard devant la télé du restaurant turco-grec. Le match avait commencé depuis dix minutes, mais je n’avais raté aucun point puisque le score était encore à 0-0. Apparemment, les Néo-Zélandais dominaient et les premiers points marqués le furent par Daniel Carter, le joueur des Crusaders de Canterbury, sur pénalité. Les Français étaient sous pression, mais tenaient relativement bien en défense. Deux fois, les All-Blacks, qui jouaient à cause du tirage au sort avec des maillots noir et gris, parvinrent à percer le premier rideau français. Une fois, ils furent repris à quelques mètres de la ligne, mais la seconde fois, ils parvinrent à éviter les plaquages par des crochets et passes, et Mac Allister (le trois quarts centre avec le numéro 13 si je m’en souviens bien) alla aplatir dans l’embut. Daniel Carter transforma. 10-0 pour la Nouvelle-Zélande. Comme Jean-Baptiste Ellissade, le demi de mêlée français, ne parvenait pas à passer entre les poteaux sa pénalité, les Français restaient à 0. 13-0 même, puisque les néo-zélandais marquèrent une nouvelle pénalité, ce qui occasionna la remarque suivante à mon voisin de table : « à la pétanque, 13-0, c’est fanny ! » La France ne rentra finalement pas bredouille à la mi-temps, puisque Lionel Beauxis marqua trois points sur une pénalité juste avant de rentrer aux vestiaires, mais en tout cas je me disais qu’on était quand même moins bons en rugby qu’en pétanque en France. A la mi-temps, je ne donnais pas cher de la victoire des Français, qui n’avaient pas montré grand-chose. Sous les ordres de Bernard Laporte, ils savaient jouer sérieusement, mais sans assez d’imagination pour pouvoir déstabiliser et surprendre la meilleure équipe du monde, qui semblait se diriger logiquement vers une qualification. Finalement, le point le plus positif pour les Français à la mi-temps, c’était le score, qui n’avait pas encore pris une grande ampleur. 13-3

Et, les Bleus (nuit à short blanc) recommencèrent pied au plancher la seconde mi-temps. Ils occupaient le terrain adverse, mais malgré des alternances jeu long, jeu court dans les 22 mètres, ne trouvaient pas à contourner les Néo-Zélandais. Lionel Beauxis tenta un petit coup de pied. Et, c’est alors que Mac Allister se rendit coupable d’une obstruction sur Yannick Jauzion, le centre français, qui allait se mêler à une lutte bien aléatoire avec quatre All-Black pour s’emparer du ballon. Le carton jaune reçu par Mac Allister signifiait son  exclusion pour dix minutes. Et, grâce à la pénalité, la France revenait à sept points, soit un essai transformé, de la Nouvelle-Zélande. Dans le bar, mes voisins, des jeunes gens qui étaient allés chercher des pizzas, commençaient à y croire. Nous étions supporters. Et, on savait qu’aux alentours de la cinquantième minute du match, à 15 contre 14, c’était le moment ou jamais pour revenir. Mais, les Néo-Zélandais n’étaient pas des moutons prêts à se laisser tondre la laine sur le dos. Ils investirent le camp français. Et, ils progressaient par des pick and go : regroupements autour de la balle au sol, le demi de mêlée ou un autre joueur qui prend le ballon et fait une passe courte ou va directement au sol juste à côté du tas précédent pour faire un nouveau tas. Les Néo-Zélandais étaient puissants à l’impact, et ils gagnaient du terrain sans que les Français parviennent à gagner la balle. Mais, la défense finit par l’emporter et on se dégagea alors que les premiers remplacements français avaient lieu, avec à la place des historiques : le capitaine Rafael Ibanez et le vice-capitaine Fabien Pelous, ceux qu’on qualifie parfois d’impact-players : Sébastien Chabal, et Dimitri Swarzeski. La Nouvelle-Zélande aussi fit quelques changements, dont un non désiré : la sortie en boitant du buteur ouvreur Dan Carter remplacé par Nick Evans. Côté français, un des pieds puissants : Beauxis ou Traille, trouva une superbe touche tout près de la ligne d’enbut néozélandais. Et, c’est sur l’action suivante que Dusautoir trouva la faille et alla aplatir, faisant se lever les supporters français, et notamment le président Nicolas Sarkozy présent au stade du Millenium de Cardiff, ce que TF1 mit bien en évidence par son montage. Lionel Beauxis transforma l’essai grâce à un poteau rentrant. Et,la France se retrouvait à égalité avec la Nouvelle-Zélande. 

Je n’osais y croire. Mais, le match était encore long, et l’équipe adverse, que rejoignait Mac Allister après avoir purgé sa sanction, était composée de grands compétiteurs. Côté Français, Frédéric Michalak se préparait à remplacer Lionel Beauxis, et Christophe Dominici Cédric Heymans. Sur le banc de touche, Fabien Pelous et Raphaël Ibanez, pour qui cela pouvait être le dernier match avant la retraite internationale, regardaient avec inquiétude les All Blacks mettre la pression sur le camp français, après qu’une percée de Nick Evans les ait ramené dans les 22 m. A chaque prise de balle, les Néo-Zélandais progressaient par leur impact, et comme ils imposaient du 1 contre 1 - disaient les commentateurs de TF1 - tout placage raté côté français pouvait coûter cher. Et finalement, ce fut Muliana qui en profita et alla aplatir juste derrière la ligne française. Nick Evans se trouvait excentré pour tirer sa pénalité. Il s’élanca, Clerc, l’ailier français, monta sur lui, et la balle de passa pas entre les poteaux. 18-13. Thierry Gilardi, le commentateur de TF1, dit que cette montée de l’ailier français sur le buteur néo-zélandais, qui l’avait peut-être perturbé, avait privé la Nouvelle-Zélande de deux points, qui seraient peut-être décisifs. Sur le coup, je n’étais pas aussi sûr que lui que la fin du match soit serrée. Mais, pourtant, la suite lui donna raison. Puisque sur l’aile, Damien Traille transmit la balle à Frédéric Michalak, qui était tout frais et put donc profiter du boulevard qui s’offrait devant lui, pour piquer un sprint, distançant quelques néo-zélandais. Mais à vint mètres de la ligne, trois adversaires l’attendaient pour le prendre dans la nasse. Au contact, il se retourna, et passa la balle à Yannick Jauzion qui se faufila entre trois gris et noirs pour aller marquer l’essai. Autant dire que tout le bar poussa derrière cette action magnifique, bien qu’entachée d’un en-avant en toute rigueur, avant d’exploser de joie lorsque le ballon arriva en terre promise. Jean-Baptiste Ellissade transforma l’essai : la France se retrouvait en tête 20-18 pour la première fois du match. Il restait près de dix minutes. Les Néo-Zélandais jetèrent toutes leurs forces dans la bataille. Des passes habiles, de la percussion, des pick-and-go les amenèrent à moins d’un mètre de la ligne de but française. Pendant plus de trois minutes, ce fut Fort Alamo dans notre camp. Mais, ils ne parvinrent pas à l’essai. Et, ils n’obtinrent aucune pénalité, les Français obéissant aux injonctions de l’arbitre quand ils étaient à la limite de la faute. Et, privé de Nick Evans, sorti lui aussi sur blessure, les Blacks ne tentèrent pas de drop. La France parvint à récupérer le ballon. Ouf ! Il parvint à Fréderic Michalak dans la zone derrière les poteaux, et sous la pression de néo-zélandais, il dégagea sur une trajectoire oblique. Malheureusement, son ballon ne sortit pas en touche. Oh ! Un Néo-Zélandais sur l’aile la plus désertée récupéra la balle. Il y avait sans doute un trois contre trois à jouer dans ce quart du terrain. Mais, le joueur alla s’enferrer dans les bras de deux Français. Deux minutes et c’était la fin. Raphaël Ibanez, Fabien Pelous et Dan Carter regardaient la fin de partie avec des visages tendus, voire de détresse pour le Néo-Zélandais. La balle parvint à Mac Allister, qui était devenu ouvreur suite à la malchance qui avait frappé tour à tour les deux numéros 10 noir et gris. Il tenta un drop d’une quarantaine de mètres. Mais la balle ne passa pas entre les poteaux. Les Français purent se dégager en touche. Mais, il n’était pas encore la quatre-vingtième minute, et après la remise en jeu des Néo-Zélandais, le ballon était toujours vivant. Et, même si on avait maintenant dépassé le terme normal du match, tant que le ballon ne sortait pas ou qu’il n y avait pas de faute, cela devait continuer. Les Néo-Zélandais essayaient de le faire avancer dans l’aire de jeu. Mais, finalement, les Bleus s’en emparèrent à notre grand soulagement. On vit Jean-Baptiste Ellissade courir à travers le terrain loin des adversaires pour taper le ballon en touche avant de continuer en sautillant, rejoint par ses coéquipiers. La France avait gagné !

La joie envahit les tribunes de Cardiff côté français, et le bar où j’étais. Je sortis guilleret du bistrot tandis que les premiers klaxons retentissaient dans les rues. Cette victoire pleine d’émotions allait donner du grain à moudre à ceux qui avaient voulu faire de cette Coupe du Monde une grande opération de marketing. Je ne pouvais pas m’empêcher de jubiler comme d’autres passants. Cela serait la fête en ville. « Qui ne saute pas n’est pas français ! » , « On est en demies ! On est en demies ! », et même parfois « Mais, ils sont où, les Néo-Zélandais ! »

J’avais quand même une petite pensée pour ces derniers. Cela fait un long bail qu’ils sont la meilleure équipe du monde, comme le montrent les test-matchs et même les matchs de poule, mais ils n’ont gagné que la Première Coupe du Monde. Là-bas, aux antipodes, le rugby est roi (il y a un terrain de rugby dans chaque bourg). Et, cela faisait un an que les All Blacks se préparaient pour cette coupe du monde, les joueurs délaissant leur équipe du Super 14. Pour enfin vaincre le signe indien. Signe indien qui s’était notamment manifesté quand l’équipe de Jonah Lomu, ultra-favorite, avait perdu contre la France en demi-finale. Et, à nouveau, la malchance avait frappé, et la France les avait battus, alors qu’ils avaient eu plus d’occupation du terrain et de possession de balle en particulier en première mi-temps. Cela s’était joué sur des détails : un poteau rentrant pour Lionel Beauxis, une transformation ratée par un ouvreur perturbé, un en-avant de justesse, ou certaines positions françaises dans les regroupements qui auraient pu êtres vus ou et sifflés par un arbitre sévère. Peut-être que finalement l’aspect psychologique avait joué encore une fois un rôle fondamental : les Néo-Zélandais, après leur premier tour facile, abordaient en confiance le quart de finale, ils pouvaient d’ailleurs rentrer à la mi-temps sans trop d’inquiétude, la France ayant peu montré. Mais, confrontés au début de seconde mi-temps tonitruant des Français, tous les mauvais souvenirs d’élimination leur étaient revenus en tête. Ils avaient gambergé, et leur trouble n’avait que pu être renforcé les événements du match : l’exclusion, les sorties sur blessure de leur star Dan Carter et de Nick Evans, l’égalisation française dans un stade qui soutenait plutôt l’équipe européenne, le poteau de Lionel Beauxis. Et, face à la défense française, malgré leur jeu fort, ils avaient du mal à marquer des points. Et voilà à nouveau tout un peuple qui est déçu. Le retour à Auckland risque d’être encore plus difficile qu’en 1999, car pour la première fois de l’histoire de la Coupe du Monde, ils ne seront pas en demi-finales. Ils ne rattraperont pas l’Australie en nombre de trophées Web Ellis et peuvent même se faire dépasser par l’Angleterre.

C’est pour cela qu’il faut à tout prix battre les Anglais en demi-finale. Ce serait trop bête de s’arrêter là après l’exploit. Samedi la France ne sera plus vraiment l’outsider.  Mais, on aurait vraiment tort de prendre les Anglais de haut, d’après le bilan de nos confrontations des quatre dernières années. Leur victoire contre l’Australie est plutôt probante, et montre notamment des grosses qualités de mental. En 2003, sous la pluie australienne, l’Angleterre avait battu la France en demi-finale avant d’être sacrée championne du monde. Nous avons une revanche à prendre.

En tout cas, cette demi-finale France-Angleterre, là où on attendait plutôt une demi-finale Nouvelle-Zélande-Australie montrait que les équipes de l’Hémisphère Nord avaient encore leur mot à dire face aux équipes de l’Hémisphère Sud, au moins sur un match, là où les aspects de mental sont essentiels.

 


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article