Campagne officielle

Publié le par Loïc

 Il est de bon ton de critiquer la campagne officielle et son égalité de temps parole pendant deux semaines à la télévision et à la radio. Pourtant, je trouve cela intéressant. Et, surtout, ça me paraît normal qu'il y ait une égalité au départ entre tous les candidats, et ça m'attriste que cela fasse fuire les télés.

 France 2, après avoir consacré de grosses émissions aux "principaux candidats" avant le début de la campagne officielle, a tourné deux émissions politiques : "Des Paroles et des Actes" et "Mots croisés" aux dix candidats de la campagne officielle. J'ai apprécié que ces deux émissions se complétent plutôt bien.

 

 "Des Paroles et des Actes" avait le format d'une succession en deux jours de grands oraux pour chacun des candidats. Cela permettait avant tout aux journalistes (David Pujadas et ses trois acolytes, dont le journaliste économique aux graphiques, Langlet) de poser des questions plus personnalisées à chacun des candidats.

 "Mots Croisés" mettait cette fois-ci aux prises les dix candidats (ou leurs représentants) en même temps, que quatre sujets choisis. Cela permettait mieux de comparer les solutions et les visions des candidats sur des sujets similaires.

 

 Les critiques qu'on peut formuler sur l'émission d'Yves Calvi sont triples, mais doivent être minimisées :

    -Tous les candidats n'étaient pas là. Les cinq candidats les mieux placés dans les sondages (au-dessus de la barre des 5% qui permet d'assurer le remboursement d'une grosse campagne) s'étaient fait représenter. Bien sûr, on peut rejoindre Nicolas Dupont-Aignan, qui lui, était bien présent, sur le qualificatif de "pleutres" pour les "gros" candidats qui n'avaient pas participé au débat. A chacun de voir si c'est un critère presque pas ou seulement légérement important pour juger les candidats. En tout cas, les représentants des grands candidats ont à mon sens bien joué leur rôle : représenter. Nathalie Kosciusko-Morizet est la porte-parole unique de Nicolas Sarkozy. Jean-Marc Ayraut est en quelque sorte un "ersatz" de François Hollande : même sensibilité socio-démocrate, même consensualité, même cumul de fonctions dans le parti ((ex_)secrétaire du PS pendant 10 ans pour Hollande, président du groupe PS de l'Assemblée Nationale pendant aussi quasiment 10 ans pour Ayraut), de poste de député, et de poste d'élu local (président du conseil général de la Corréze pour Hollande, maire de Nantes pour Ayraut). François Delapierre était un parfait inconnu pour moi, mais, en tant que codirecteur de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, je pense qu'il le représentait donc bien. Marielle de Sarnez est vraiment la femme de confiance de François Bayrou dans son parcours de centriste indépendant. Florian Philippot ne représente peut-être qu'une facette du FN, mais c'était intéressant de voir le fameux énarque de la bande à Marine le Pen. En plus du discours classique de diabolisation de l'immigration et de l'Europe du FN, il nous a sorti un bel exemple de protectionnisme tout droit sorti du Brésil. Bref, c'était comme si nous avions les dix candidats devant nous lors de ce "Mots Croisés"

   -Avec les temps de paroles corsetés et la multiplicité des personnes qui se tenaient côte à côte, le débat ne favorisait pas les affrontements entre candidats. Finalement, j'ai trouvé que ce système avait autant d'avantages que d'inconvénients. Ca évitait aussi qu'on ait le droit à une foire d'empoigne. Et, il y eut quelques petits affrontements personnalisés de ci de là : une petite empoignade verbale entre Florian Philippot et François Delapierre, reprenant le combat entre Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon, la pugnacité d'Eva Joly par rapport à Nicolas Sarkozy et Marine le Pen (donc représentés par Kosciusko-Morizet et Philippot), Kosciusko-Morizet citant d'abord positivement Eva Joly, puis lui répondant, et n'hésitant pas à tacle quand cela était possible Ayraut, Poutou, affirmant son désaccord profond avec Phlippot, son envie de dégager Sarkozy, et de mettre la pression sur Hollande...

  -Le choix des thèmes : si les thèmes économiques choisis : dette et emploi, semblent vraiment cruciaux, les thèmes sociétaux et environnementaux choisis, semblaient un peu restrictifs : immigration et nucléaire....A mon sens, par exemple, le thème "éducation" était plus intéressant que le thème "immigration" (qui a tendance à être un thème que (et qui) fait monter surtout la droite de l'échiquier politique, et sur lequel les candidats les plus au centre ont peu à dire, à part le "cas par cas", qui semble la méthode pour traiter l'immigration la plus logique. On aurait pu au moins afficher le titre du thème sous l'angle de la problématique "immigration - intégration", qui pouvait permettre par exemple d'enchaîner sur la question de l'école pour les candidats qui le voulaient. Mais, globalement, je trouve que cela s'est bien passé : les dix intervenants (connaissant probablement les thèmes à l'avance) ont pu dérouler le discours qui leur convenait, tout en donnant des éléments de réponse aux questions plus précises de Yves Calvi. Concernant justement l'intervieweur, j'ai un avis mitigé : le débat a été bien tenu et intéressant, donc c'est qu'il a bien contrôlé son émission, sans doute que son choix de poser des questions d'approfondissement ou non à certains candidats sur certains thèmes était subjectif, mais ça ne m'a pas gêné tant que ça (et vous ?). Le flop, ça a vraiment été la dernière question (plutôt type "Des Paroles et des Actes") à Marielle de Sarnez : elle se doutait de quelle question cela serait, et elle savait qu'elle n'y répondrait pas, mais Yves Calvi le savait très bien, et les téléspectateurs aussi....Bref, l'obsession de la petite phrase... 

 

 Au final, on commence à bien connaître nos dix candidats, avec ces deux émissions (et toutes celles qui les ont précédé), et il n y a plus beaucoup de surprises, ce qui n'est pas forcément un mal. A mon sens, un candidat doit approfondir son projet, pas le changer tout le temps. A noter que le format "Mots Croisés" a été plus favorable à Jacques Cheminade que le format "des Paroles et des Actes", où le candidat s'est laissé enfermer dans les questions des journalistes, traitant essentiellement des aspects les plus dérangeants de son parcours et de ses amis, et des aspects les plus originaux (voire farfelus) de son programme. Sur "Mots Croisés", on a pu mieux voir qu'il avait des idées sur tous les thèmes, et identifier son positionnement général, peut-être original et un peu irréaliste, mais pas ridicule : une forte confiance investie dans le progrés conjoint humain-technologie.

 

 Bref, on peut dire du bien et du mal de chacun des candidats. Pour donner un peu mon avis, je vais vous donner quelques points de vue sur chacun des candidats :

 

 EVA JOLY

 

 Points intéressants : c'est quelqu'un d'honnête et intégre, et son combat pour la justice et la moralisation de la vie publique mérite notre adhésion.

  Les réflexions sur la réorientatation des choix socio-économiques vers le développement durable me semblent essentiels.

 

 Points dérangeants : certaines propositions me semblent un peu précipitées  (sortie du nucléaire immédiate, mais aussi précipiation vers le "tout est permis" en matière sociétale) , et auront besoin de davantage d'explications pour atteindre le consensus permettant de les faire accepter peu ou prou...

 

NICOLAS SARKOZY

 

 Points intéressants : dans le tas de ses nombreuses propositions ou annonces, y en a quand même pas mal (au moins 50 %) qui sont intéressantes

 

 Points dérangeants : certaines de ses propositions, reflétant une vision "idéologique" de la société, qui ne me convient pas ou le poids de lobbyes dérangeants, me semblent négatives pour la société française.  Il n'appliquera pas toutes ses propositions, car toutes ne sont pas cohérentes entre elles, et, si on fait le bilan de ce qu'il a fait en 5 ans, pas sûr que cela soit les meilleurs propositions qu'il garde. Et, je n'aime pas sa façon de mentir : ne jamais reconnaître qu'on a tort, et au contraire être agressif et de mauvaise foi quand on est mis face à une critique dérangeante.

 

 

JEAN-LUC MELENCHON

 

 Points intéressants : le diagnostic des dysfonctionnements du capitalisme mondialisé est plutôt bon, et l'appel au peuple me semble adéquat, dans le sens ou effectivement, il faut renverser le déséquilibre qui s'est crée entre les critères économiques et les critères humains dans les choix du monde. Et, j'aime bien l'idée d'une Constituante.

 

 Points dérangeants : la prudence vis-à-vis des solutions étatiques, qui ont déjà été vaincues par le capitalisme mondialisé, avant que celui-ci échoue à son tour. Bref, le grand soir doit être plutôt mondial que seulement français.

 

MARINE LE PEN

 

 Points intéressants : les arguments populistes partent toujours d'un constat, qui n'est pas tout à fait erroné

 

 Points dérangeants : les solutions proposées sont plutôt simplistes, c'est plus facile de critiquer que d'exercer le pouvoir.

 

PHILIPPE POUTOU

 

 Points intéressants : il a de l'humour, et il ne faut pas oublier que la vie est une plaisanterie sérieuse, certains licenciements sont effectivement scandaleux

 

 Points dérangeants : peut-être ai-je peur du grand soir. De plus, l'éducation me semble essentiel dans tout projet de transformation radical de la société, et le style un peu foutraque de Philippe Poutou n'indique pas un corpus d'idées très solide

 

NATHALIE ARTHAUD

 

 Points intéressants : c'est une battante, et je ne dis pas "non, jamais" au communisme

 

 Points dérangeants : peut-être ai-je peur du grand soir, et je suis plutôt du côté de la recherche du consensus, donc finalement du réformisme pour l'instant

 

FRANCOIS BAYROU

 

 Points intéressants : il pourrait bouleverser le jeu de la cinquième république, qui ronronne, depuis que l'UMP et le PS sont hégémoniques... Ses discours correspondent dans les grandes lignes à l'idée que je me fais de la république...Oui à la moralisation de la vie publique...Son programme économique me semble sérieux...

 

 Points dérangeants : il n y a pas beaucoup de nouvelles idées depuis 2007, si ce n'est des slogans, comme le "Produire en France", et un programme économique, qui, certes, est assez équilibré, mais ne remet peut-être pas assez en cause la doxa du libéralisme mondialisé...

 

JACQUES CHEMINADE

 

 Points intéressants : une partie de son diagnostic sur les problèmes de la financiarisation de l'économie est bonne...Investir dans la recherche et l'innovation, pour le futur, me semble être un bon projet pour la société (sans doute) et pour léconomie(peut-être)

 

 Points dérangeants : le financement de son ambition technologique n'est pas encore très éclairci...Le mélange d'éléments d'un passé plus ou moins lointain (notamment années 30) et de la situation actuelle, et surtout de critiques particulières (Etats-Unis, reine d'Angleterre), avec sa critique du système mondialisé trouble un peu son discours à mon sens...

 

NICOLAS DUPONT-AIGNAN

 

 Points intéressants : j'aime sa posture gaulliste, son envie de réarmer l'Etat et la République Française

 

 Points dérangeants : sa posture gaulliste tient plus de positions sur lesquelles il campe (notamment sortie de l'Euro) que d'un grand programme cohérent...en tout cas, c'est l'impression qu'il donne...

 

FRANCOIS HOLLANDE

 

 Points intéressants : il me semble avoir les qualités pour être un président rassembleur...au moment de sa pré-candidature il y a un an, les deux thèmes qu'il avait identifié comme essentiels : fiscalité et jeunesse, me semblaient également vraiment cruciaux...Le programme me semble assez cohérent et plutôt équilibré...

 

 Points dérangeants : il y a toujours un doute sur son courage lorsqu'il s'agira de rendre des arbitrages (qui seront forcément douloureux pour une partie des Français, et critiqués par une partie de sa majorité)...Certains points de son programme méritent de plus grosses ambitions, d'autres un peu plus de modération...

 

 

 Ceci n'est qu'un petit aperçu peu développé de ce que je pense. En particulier, j'aurais pu approfondir ce que je pense du (Nouveau) Front National, et surtout du quinquennat Sarkozy (même si je l'ai déjà beaucoup fait dans mes vieux billets).

 Je dois avouer que je suis intéressé, mais moins passionné par ces élections de 2012, par rapport à 2007. En tout cas, je suis bien moins enthousiasmé par un candidat. Et, si je peux continuer à affirmer qu'il aurait fallu élire Bayrou en 2007, j'ai eu du mal à me faire ma décision pour cette élection. Dans ces dernières semaines, j'hésitais pour le 22 avril entre les deux François, et les développements des derniers jours me font pencher pour glisser le même bulletin dans l'urne que le 22 avril 2007...

 

 L'important pour moi, je crois, c'est aussi de redire que toute la politique ne devrait pas tourner seulement autour de l'élection d'un président. La crise de notre démocratie représentative devrait vraiment nous faire réagir, nous tous citoyens. 

 

 

 

 

 

Publié dans Politique et société

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