Candidats à la Grande Election (1)

Publié le par Loïc


           Jusqu’alors, j’ai principalement parlé de la candidature socialiste, de la candidature de l’UMP, et de la troisième voie bayrouienne, car il s’agit des trois candidatures les plus crédibles, portant des projets larges de gouvernement. Cela dit, les neuf autres candidats ne peuvent être considérés comme entités négligeables. Ils apportent tous des idées qui méritent de s’y intéresser. Et, heureusement que la campagne officielle ne se limite pas à Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou.  Parlons donc comme prévu des neuf candidats que j’ai peu évoqués.

 

           Tout d’abord, on ne peut pas faire l’impasse sur un candidat à l’importance certaine, ne serait-ce que par les voix qu’il est susceptible de récolter, le seul candidat à cette élection qui ait déjà connu un second tour d’élections présidentielles, je veux dire Jean-Marie Le Pen. C’est le plus vieux des prétendants. On retrouve le discours basique des anciennes campagnes du leader d’extrême droite : l’immigration est cause des maux de la France et vive la préférence nationale ! Pour l’instant, cette posture ne réussit pas trop mal au Front National : bien que diabolisés par l’intelligentsia, les frontistes drainent de plus en plus de mécontents. Enfin, heureusement, l’extrême droite est encore loin de gouverner, et on peut même se demander si c'est ce qu’elle désire vraiment. Je pense que Jean-Marie Le Pen, en fin de carrière, se complaît bien dans ce rôle de tribun gouailleur et réactionnaire. Cela dit, Marine Le Pen, tout en étant aussi populiste que son père, apporte une énergie nouvelle au Front National. Cette fois-ci, au-delà de la critique, le Front National a essayé de construire un programme un peu plus complet, et cela essentiellement pour pouvoir crédibiliser leur position en cas de second tour. (pour le coup, leur histoire de retour au franc semble bien peu réalisable) Dans le projet de société frontiste, on voit vraiment apparaître une tendance très marquée à droite : critique des fonctionnaires, libéralisme économique, intransigeance sur la notion de propriété. Si, au-delà de leur mal-être face au système, les classes déshéritées s’intéressaient de plus près à ce programme, elles pourraient constater qu’il ne les défend pas du tout, mais que les plus faibles seront mis dans le même sac que les catégories habituellement stigmatisées par le Front National. Jean-Marie Le Pen ne peut s’afficher raciste (car ça serait condamné immédiatement par la loi), mais parfois certaines de ses phrases induisent des sous-entendus et des raccourcis que font et comprennent très bien l’électorat originel raciste du Front National. En même temps, le Front National essaie d’afficher son ouverture d’esprit pour se dédiaboliser : beurette sur une affiche, rapprochement avec Dieudonné, Soral, déplacement de Le Pen sur la dalle d’Argenteuil avec discours dénonçant la ghettoïsation. Le terme de « safari médiatique » (venant d’un socialiste, je crois) n’était pas trop mal choisi. C’est vraiment le coup médiatique, notamment vis-à-vis de Nicolas Sarkozy que le leader frontiste a visé. Il est vrai que Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen se sont livrés à un certain pas de deux les semaines dernières, afin de rallier une certaine frange de l’électorat. Je ne crois pas que la méthode sarkozyste permet de tirer vers le haut les électeurs frontistes. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas par quelques mois de campagne habile, mais par des années de bon gouvernement, qu’on peut convaincre certains Français de revenir dans le giron républicain. Jean-Marie Le Pen a donc en se faisant l’apôtre des banlieues délaissées par la classe politique depuis 30 ans (ceux-là, ils en prennent pour leur grade), essayé d’aller chercher des électeurs hostiles à la droite de Sarkozy. Jean-Marie Le Pen sait jouer sur les colères du peuple, et dans les quartiers populaires, il recrute parmi « les français de souche ou qui veulent juste s’intégrer sans bruit, exaspérés par l’insécurité », mais aussi parmi les jeunes révoltés issus d’origines diverses, qui votent pour lui par esprit de révolte ou et à cause d'un antisémitisme rampant lié à un antisionisme enflammé. En même temps, Jean-Marie Le Pen rappelle à ses électeurs qu’il est bien le plus à droite avec ses attaques gratinées sur l’origine de Nicolas Sarkozy.

 

           Etrangement, ce fut Philippe de Villiers qui joua le modérateur de l’affrontement par communiqués interposés entre Sarkozy et Le Pen, avec « il n y a pas de Français virgule ». Philippe de Villiers est bien loin en intention de votes de Jean-Marie Le Pen. Parfois, notamment quand on entend parler son porte-parole Guillaume Peltier, le positionnement politique de De Villiers est au moins au niveau de l’extrêmisme anti-immigrationniste de Le Pen. Cela dit, le crêneau de De Villiers est plutôt celui de la poursuite du combat millénaire entre la civilisation judéo-chrétienne et l’islam. Si l’islamisme représente réellement un danger dans notre monde, De Villiers essaie de jouer sur une paranoïa exagérée. Je l’ai vu une fois en débat face à Tariq Ramadan. Et, le moins qu’on puisse dire c’est que l’intervention de De Villiers sans nuances, faisant passer le communautariste musulman pour un modéré, m’a paru totalement contreproductif en ce qui concerne la lutte contre l’intégrisme musulman. L’autre grand cheval de bataille de De Villiers, c’est le souverainisme face à l’Europe technocratique qu’il dénonce depuis des dizaine d’années. Si le souverainisme est un courant d’idées respectable, je trouve un peu gros d’accuser l’Europe de tous les maux des Français, et je suis persuadé qu’il ne faut pas se replier sur nous-même. Une différence de Philippe de Villiers avec Jean-Marie Le Pen est qu’il affirme être prêt à gouverner, fort de certains des succés de sa politique de droite en Vendée. En gros, je dirais que Le Pen est à l’extrême droite(d’abord extrême puis droite), et De Villiers est à la droite extrême (d’abord droite, puis extrême)

 

           Parlons maintenant de Frédéric Nihous, candidat de Chasse Pêche Nature et Traditions. C’est une campagne avant tout catégorielle. On peut cela dit élargir l’horizon : « lobby des chasseurs-pêcheurs » à « défense de la ruralité », un thème qui a une certaine portée dans cette campagne, car il correspond à un vrai malaise de certains Français. Le bonhomme a l’air plutôt sympathique. Le dialogue avec deux villageois d’un de ses clips de campagne ne semble pas très naturel, mais ce n’est pas le seul candidat à être dans ce cas-là. Il défend une vision de la société assez traditionnaliste (le ‘T’ de CPNT), et est donc critique avec les nouveautés, notamment celles imposées par l’Europe. Mais, on ne peut que s’attrister de la désertification de certaines campagnes et de la difficulté de maintenir une diversité agricole. Le but de Frédéric Nihous serait de dépasser en nombre de voix la candidate des Verts, considéré un peu à juste titre comme un mouvement d’écologistes des villes.

 

           Venons-en donc aux Verts et à Dominique Voynet. Sa candidature souffre de l’impression de cacophonie laissée souvent par la vie interne du mouvement des Verts, de l’appel au vote utile du Parti Socialiste et de la signature par les grands candidats du Pacte Ecologique de Nicolas Hulot ? Est-ce que ce dernier suffit ? Je pense que, s’il est respecté, c’est un bon début, même carrément un grand pas pour que la France soit à la pointe de l’ « excellence environnementale », comme dit Ségolène Royal, car il contient un certain nombre de contraintes pour les Français, il faut bien le dire. Après, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer ( http://souriantalavie.over-blog.com/article-4915647.html ), compte-tenu des échelles de temps et d’espace qui sont impliquées, on ne peut arrêter le réchauffement climatique, seulement le limiter. Et, les solutions ne peuvent être franco-françaises, mais mondiales. Que la préoccupation environnementale essaime à travers toute la société française est vital, et le fait que l’écologie soit défendue au-delà des Verts est une bonne chose. Ca évite que ce combat soit confisqué par un parti et un camp, la gauche. Comme d’autres, je ne me reconnais pas dans le côté gauchiste et soixante-huitard des Verts (dénoncé récemment par Daniel Cohn-Bendit, pourtant grand leader des manifestations étudiantes de mai 1968) Je sais que mai 1968, par son caractère exceptionnel, a fait bouger la société française dans des proportions importantes, ce qui a permis d’avancer certaines mesures essentielles, notamment quant au droit des femmes (contraception, IVG, ...), mais, comme dans toute révolution, il ne faut pas persister dans certains excès. Et, alors qu’on est bien loin de la société prospère et des chemins tout tracés des Trente Glorieuses, un peu d’ « ordre juste » est nécessaire. (Wow ! Les slogans de Ségolène Royal sont quand même bien trouvés) Je ne partage pas l'avis des Verts quand ils exigent la régularisation massive des sans-papiers sans conditions. Cela dit, quand ils parlent d’écologie, la voix des Verts est utile : j’apprécie leurs combats dans certaines municipalités de France, notamment à Paris, contre l’utilisation systématique de la voiture personnelle. Le combat de Dominique Voynet est difficile, mais elle est opiniâtre, et j’aime quand elle demande aux journalistes d’arrêter de lui poser des questions sur Ségolène Royal, les sondages et la tactique politicienne, et de s’intéresser à son programme. Peut-être que c’est la candidate qui me paraît la plus sympathique de tous. C’est dommage qu’elle ne parvienne pas à atteindre le score de Noël Mamère en 2002, dont pour le coup je n’aime pas la personnalité.

 

           A suivre

Publié dans Politique et société

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