Tour de France 2008 : le début

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            Je vous avais assommé l’été dernier d’articles sur le Tour de France : 2007 et précédents :

 

-Tours de France de 1991 à 1997 : Tour de France Partie I : comment je suis devenu mordu
-Tours de France de 1998 à 2003 : Le dopage dans le Tour de France Partie 1
-Tours de France de 2003 à 2007 : Le dopage dans le Tour de France (suite)
-Tour de France 2007 : Partie 1
-Tour de France 2007 : suite

 

 

 


            Cette année, le suivi du Tour de France sur ce blog sera sans doute plus léger.

           

            Le Tour des six villes bretonnes

 

            Le Tour de France 2008 s’élance de la Bretagne, grande terre de cyclisme, avec ses grands prix, ses licenciés et ses champions (Louison Bobet, Bernard Hinault). Comme s’en vante le bulletin du conseil régional de la Bretagne, tous les départements bretons accueilleront le Tour, avec des villes-étape, départ ou arrivée : Brest pour le Finistère, Plumelec et Auray pour le Morbihan, Saint-Brieuc pour les Côtes d’Armor, Saint-Malo pour l’Ille et Vilaine, et Nantes pour la Loire Atlantique (dans la Bretagne historique, mais pas la Bretagne administrative)

 

            La grande nouveauté de ce tour de France, c’est que la première étape n’était pas une épreuve chronométrée. Pas de prologue traditionnel, mais une étape en peloton, reliant Brest à Plumelec, parcours vallonné à travers les Monts d’Arrée et les Montagnes Noires. Celui qui lança le premier les hostilités fut un régional, Lilian Jegou, de la Française des Jeux. Avec sept autres coureurs, dont les Français Thomas Voeckler, Stéphane Augé, Geoffroy Lequatre, les Espagnols David de la Fuente et José-Luis Arrieta, et l’Allemand Bernd Schröder, on eut le droit à l’échappée du jour. Bien contrôlée par le peloton, elle permit quand même aux huit hommes de se disputer les points distribués pour les classements du maillot vert et du maillot à pois rouges, de meilleur grimpeur. Dans les côtes, les accélérations pour basculer en tête donnèrent un duel entre Bernd Schröder (coureur de la Milram) et Thomas Voeckler (coureur de Bouygues Telecom). Lilian Jegou et David de la Fuente prirent quelques points aussi, mais après la dernière côté, c’était bien Schröder et Voeckler qui étaient en tête du classement provisoire, avec exactement le même nombre de points. Pour les sprints intermédiaires, ce fut Geoffroy Lequatre qui prit le maximum de points. Mais pour s’emparer du maillot vert, il ne fallait pas oublier que les points à l’arrivée étaient essentiels : 35 échoyaient au premier. Seulement, les huit hommes avaient bien peu de chance de rallier l’arrivée. En effet, le peloton roulait bien. Peloton que dût quitter le jeune français, Duclos-Lassalle (fils du grand champion du Paris-Roubaix), après avoir chuté au ravitaillement. Deux autres grosses chutes émaillèrent le parcours. L’une d’elles mit à terre Juan-Mauricio Soler, le Colombien maillot à pois de l’an dernier et lui coûta de précieuses minutes. Devant, Stéphane Augé essaya de quitter ses compagnons d’échappée. Il fut repris. Puis, David de la Fuente se lança lui aussi, bientôt rejoint par Lilian Jegou. Les deux hommes gagnèrent ainsi le droit de rester plus longtemps en tête et d’être avalé quelques kilomètres plus loin par le peloton. Celui-ci se scinda en deux à cause de la dernière chute, et par ces routes étroites de Bretagne rallia Plumelec et son petit pont de granit. Puis, ce fut le kilomètre de côte de l’arrivée, configuration qui n’était pas forcément favorable aux purs sprinteurs, mais plus aux punchers comme on dit. Romain Feuillu, le sprinter d’Agritubel, fut le premier à s’extraire, mais il fut vite repris. Le contre suivant fut l’œuvre de Stefan Schumacher , l’Allemand de Gerolsteiner qu’on avait vu rouler sur le bas côté un quart d’heure auparavant. Mais, derrière, ça se battait entre hommes forts. Ce fut Kim Kirchen, le Luxembourgeois de Team Columbia, qui lança ensuite une attaque tranchante, tandis qu’on voyait Cadel Evans l’Australien de Lotto, un des favoris du Tour, en tête de la meute lancée derrière lui. L’autre grand favori du Tour, Alejandro Valverde, est plus explosif, et il le montra, il démarra juste avant le dernier virage, et rattrapa Kim Kirchen, pour s’imposer avec une longueur d’avance sur les autres hommes forts : dans l’ordre, Philippe Gilbert, le Belge de la Française des Jeux, Jérôme Pineau, le Français de Bouygues Telecom. Kim Kirchen était cinquième et Cadel Evans dans les dix premiers, tout comme Franck Schleck, un autre favori Luxembourgeois (chez CSC) et Ricardo Ricco, un jeune coureur Italien prometteur (chez Saunier-Duval) Les autres coureurs du premier peloton arrivèrent au gré des cassures dans la minute suivante. Peu après, le deuxième peloton arrivait, avec Thomas Voeckler qui finissait trois places devant Bernd Schröder, et gagnait ainsi le maillot à pois. Pour le maillot jaune, c’était évidemment Alejandro Valverde qui le revêtait pour la première fois de sa carrière.

Valverde s'impose au sommet de la bosse de Plumelec
Derrière lui, de gauche à droite, Philippe Gilbert de la Française des Jeux, Jérôme Pineau de Bouygues Telecom, tous deux la tête dans le guidon, Cadel Evans de Silence Lotto et Kim Kirchen de Columbia

            Pour l’étape suivante, on eut le droit à une échappée avec deux puis quatre français, dont sans doute les trois plus connus médiatiquement : Christophe Moreau, Thomas Voeckler, et Sylvain Chavanel. C’est ce dernier qui s’échappa le premier en s’insérant dans un groupes de 10, avec des costauds, comme Wegman. Mais l’échappée ne put prendre la large, car les Bouygues Telecom menèrent un train d’enfer en tête du peloton, pour rejoindre les échappées avant la première côte. Thomas Voeckler voulait y gagner des points pour conforter son maillot à pois. Sylvain Chavanel, repris comme tous les échappées, réattaqua, et passa en tête de la côte au nez et à la barbe de Thomas Voeckler, qui avait pris le meilleur sur son suivant au classement du grimpeur, Bernd Schröder. C’est ainsi que Sylvain Chavanel et Thomas Voeckler se retrouvèrent à s’expliquer avec quelques centaines de mètres d’avance sur le peloton. Ils décidèrent de passer outre leur rivalité et de collaborer. Ils gagnèrent rapidement plusieurs minutes sur le peloton, et Sylvain Chavanel ne passa qu’une fois devant Thomas Voeckler dans les trois côtes à points du parcours. Derrière, cependant, la Caisse d’Epargne du leader Alejandro Valverde, assuraient un bon tempo, et l’écart retomba à moins de trois minutes. Les équipes de sprinter n’avaient pas de quoi s’inquiéter, et seule l’équipe de la Française des Jeux apparut en tête. Mais, dans le peloton, deux coureurs d’Agritubel discutaient : David le Lay, un breton qui allait passer à côté de chez lui, proposait à son leader Christophe Moreau, d’aller faire le sprint pour grappiller les deux derniers points sur les classements du grimpeurs. C’est ainsi que Christophe Moreau passa troisième sur l’avant-dernière côte. Voyant, que son coéquipier et lui avaient pris une certaine avance sur le peloton, ils décidèrent de continuer jusqu’à la dernière côte, dix kilomètres plus loin. Puis, avisant qu’ils avaient plus d’une minute d’avance sur le peloton et moins de deux minutes de retard sur les deux échappés devant, ils décidèrent de continuer l’aventure. Et, c’est comme cela que 10 kilomètres plus loin, on se retrouva avec les 4 français en tête juste devant le village familial de David le Lay. Alors que Liquigas, Crédit Agrigcole, Française des Jeux et Quikstep roulaient fort en tête du peloton, on ne donnait pas cher des 4 hommes avec leurs 4 minutes d’avance. Et pourtant, Christophe Moreau, David Le Lay, avec leur fraîcheur, bien aidés par Sylvain Chavanel, moins par Thomas Voeckler, qui était sans doute plus entamé à ce stade de la course, firent bien avancer l’échappée sur ses routes sinueuses et légèrement mouillées menant à Saint Brieuc. Lors de la descente sur la ville, les échappés n’avaient plus qu’une minute d’avance sur la meute, sans doute insuffisant. Mais, les voir encore en tête dans la côte de l’arrivée, c’était quand même quelque chose. Christophe Moreau se battait encore en tête du groupe. Sylvain Chavanel plaçait à la fin de la section la plus dure de la côte. Mais, les hommes étaient avalés par le peloton, coupé en deux par une chute : d’abord David le Lay, puis Christophe Moreau et Thomas Voeckler, enfin à la flamme rouge, Sylvain Chavanel. A ce moment-là Fabian Cancellara, le puissant Suisse de la CSC, plaçait un démarrage. Cela lui permit de prendre quelques longueurs d’avance, mais cela ne fut pas suffisant comme au dernier Tour de France (étape de Compiègne). Pozzato de la Liquigas revint dans sa roue, puis les deux hommes forts furent avalés par le peloton. Dans ce sprint un peu particulier en faux plat montant, après une côte qui avait fait une certaine sélection, c’est le norvégien Thor Hushovd qui s’imposa, devant Kim Kirchen, qui s’emparait ainsi du maillot vert, et son coéquipier Gérard Ciolek. Valverde conserva son maillot jaune. Un peu critiqué par Christophe Moreau, qui pensait qu’avec des relais plus appuyés de tout le monde, l’échappée aurait pu aller au bout, Thomas Voeckler avait, lui conforté sa tunique à pois rouge.

Le Tour le long d'une rivière près de Pontivy lors de la deuxième étape

            L’idée que les Français se lançaient dans des raids qui ne leur rapportaient rien d’autre que quelques points au maillot à pois, en prit un coup avec l’étape Saint-Malo-Nantes. Dans une étape nettement plus plate que les précédentes, quatre hommes se firent la belle : l’Américain Frischkorn de Garmin Chipotle , l’Italien Paolo Longo Borghini de Barloworld, et les Français Romain Feuillu d’Agritubel, et Samuel Dumoulin de Cofidis. Le peloton leur avait laissé au maximum plus de 12 minutes d’avance. Mais, lorsque les équipes se sprinters prirent le relais de la Caisse d’Epargne, les échappés avaient encore huit minutes d’avance à moins de 60 kilomètres de l’arrivée. Tout leur restait possible. Et, effectivement, l’adage : rien ne sert de courir, il faut partir à point, se vérifia pour une fois. Les accélérations du peloton ne contribuèrent qu’à séparer en trois groupes les coureurs suite à une chute. Parmi les piégés de renom, Christophe Moreau, assez loin derrière, et dans un groupe qui finit à 30 secondes du premier peloton, Sylvain Chavanel et deux favoris du tour, Denis Menchov, le Russe de Rabobank, et Ricardo Ricco, le jeune Italien de Saunier Duval qui découvre le Tour. Devant, donc, la victoire se disputa entre les quatre hommes. Samuel Dumoulin attaque à la flamme rouge. Longo fut lâché mais Romain Feuillu et Frishkorn revinrent. Feuillu lança le sprint, mais finalement Samuel Dumoulin dans un deuxième souffle, le dépassa et l’emporta devant l’Américain et son compatriote, qui avait, lui, la satisfaction d’endosser le maillot jaune grâce aux deux minutes d’avance sur le peloton Valverde. Plusieurs Français sur le podium donc : le vainqueur d’étape Samuel Dumoulin, Romain Feuillu, maillot jaune et maillot blanc de meilleur jeune, et bien sûr, Thomas Voeckler qui conservait son maillot à pois.

 

 

 

 

            Contre-la-montre, premier moment fort

 

 

            Romain Feuillu, qui sortait tout juste de toxoplasmose, savait que sa belle histoire en jaune risquait de s’arrêter rapidement, peut-être moins à cause des trente secondes qui le séparaient de son second, Paolo Longo Borghini, que des moins de deux minutes qui le séparaient de gros rouleurs, comme Fabian Cancellara ou David Millar. En effet, la quatrième étape était un court contre-la-montre de trente kilomètres autour de Cholet. Et, finalement, à la surprise générale, celui qui dama le pion aux favoris les plus cités de l’épreuve, et fit le coup double attendu : victoire d’étape et maillot jaune, fut Stefan Schumacher, l’Allemand de la Gerolsteiner. Derrière lui, à quinze secondes, Kim Kirchen, décidément en forme dans la foulée de son bon Tour de Suisse et souvent deuxième sur ce début de Tour de France, et David Millar. Cadel Evans, l’Australien de Silence Lotto, l’un des grands favoris du tour, se classait quatrième, juste devant Fabian Cancellara. Denis Menchov, qui à cause de sa rétrogradation au général suite à la cassure du peloton, était parti avant les autres favoris, était sixième. Les autres favoris, au profil un peu plus grimpeurs que rouleurs, comme l’Italien Damiano Cunego et Alejandro Valverde, ne déboursaient qu’un peu plus d’une minute. Le premier Français, Sylvain Chavanel, se clssait onzième. Quand à Romain Feuillu, il s’était battu à fond, et s’était classé dans la première moitié du tableau, mais pas assez pour conserver son maillot jaune.

            On ne peut pas dire que ce début de Tour de France nous permet de faire ressortir un favori au-dessus du lot. Les deux grands favoris au départ semblent dans le coup : Cadel Evans, qui a fait un bon chrono, de par sa régularité, et Alejandro Valverde, déjà vainqueur, de par son explosivité. On cite aussi volontiers parmi les grands favoris : l’Italien Damiano Cunego, discret, mais sans doute bien préparé, le Russe Denis Menchov de Rabobank : il a repris dans le contre-la montre, le temps qu’il avait perdu à cause de la cassure. Et, alors qu’il n y a aucun vrai favori chez les Français pour gagner le Tour de France, chez les Luxembourgeois, on a trois outsiders. Tout d’abord, celui qui n’était pas tout à fait favori, mais s’est bien montré dans ce début de Tour, Kim Kirchen, de Columbia. Il est deuxième du général, mais nous verrons ses limites dans la montagne. Ensuite, les frères Schleck, chez CSC : l’aîné Franck, qui a déjà fait des bonnes places au classement général du Tour de France, et le jeune prometteur, Andy, qui n’a jamais participé au tour de France, mais a déjà terminé deuxième du Giro. A la CSC, ils sont co-leaders avec l’expérimenté Espagnol Carlos Sastre, plutôt bon dans la montagne, capable à coup sûr de podium à Paris, mais pour la première place, c’est moins sûr. Ricardo Ricco, de Saunier Duval, devra, lui aussi, à mon avis, attendre encore avant de gagner le Tour de France. L’espoir Italien a fait un bon tour d’Italie, où il n’a été battu que par Alberto Contador (le tenant du titre du Tour de France, qui ne peut participer à cause de la réputation encore sulfureuse de l’équipe qu’il a choisie, Astana). Ricardo Ricco ne devait pas participer au Tour de France, et finalement il a décidé de le faire une semaine avant. Après avoir appris qu’on pouvait perdre du temps dans les étapes de plaine, on le verra à l’œuvre dans la montagne, et en tout ca, pour le maillot blanc de meilleur jeune, tout est possible. Sinon, dans les autres coureurs qui pourraient bien figurer, on peut citer les Espagnols Samuel Sanchez d’Euskatel, ou Oscar Pereiro Sio de l’équipe Caisse d’Epargne, coéquipier d’Alejandro Valverde, et seul ancien vainqueur du Tour de France au départ cette année (Pereiro avait gagné en 2006, grâce à une échappée dans une étape de transition, et une demi-heure d’avance trop généreusement accordée par le peloton et les équipiers de Floyd Landis. Floyd Landis, qui réussit à reprendre son maillot jaune au prix d’un dopage grossier, ce qui a conduit à son déclassement seulement avalisée cette année) En tout cas, Juan Maurizio Soler ne gagnera ni le Tour de France ni le maillot à pois cette année, puiqu'il a du abandonner suite à sa douleur à la main.

 

            Maintenant, donc, la route va s’élever pour les coureurs du Tour de France 2008, qui a aussi la particularité de proposer beaucoup d’étapes accidentées : la moyenne montagne a été privilégiée cette année, pour favoriser les attaquants. On espère voir du spectacle dès le Massif Central (arrivée à Super-Besse aujourd’hui). Entre temps, la dernière étape de plat a enfin permis une arrivée massive, et encore cela fut in extremis : l’échappée des trois Français, Florent Brard, Lilian Jégou et Nicolas Vongondy, a bien résisté. Et, le champion de France d’Agritubel, Vogondy, n’a été repris qu’à 400 m de la ligne d’arrivée. La victoire échut finalement à un sprinter. Et, devant les expérimentés Oscar Freire, Erik Zabel et Thor Hushovd (le Norvégien prend à cette occasion le maillot vert), c’est le jeune Britannique mark Cavendish, qui a obtenu sa première victoire d’étape dans Le Tour .

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F
Et que dire des premiers enseignements des Pyrénées : 1'' entre le premier, le sympathique mais peu attaquant Cadel Evans et le non mois sympa Franz Schleck ..Valverde à la rue, les Saunier Duval qui éclatent (à la dopamine ?) J'irais voir l'étape de l'Alpe et cela promet un beau spectacle !!!
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L
<br /> Oui beau Tour de France... Chacun ayant ses qualités et ses défauts... Le tracé est pas mal aussi, avec pas mal d'étapes vallonnées...<br />  Donc tu seras dans un des virages mythiques de l'Alpe d'Huez<br /> <br /> <br />